Répression des crimes au Burkina Faso : le REN-LAC se réjouit de la tenue de certains procès

Face à la presse ce vendredi 14 février, le Secrétaire exécutif du REN-LAC (au centre) a également salué les efforts conjugués des acteurs qui ont permis l’instruction et le jugement de ces différentes affaires de corruption en 2024

Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) s’est réjoui, vendredi 14 février, de la tenue en 2024 de certains procès portant sur des affaires de corruption. Et pour cause, l’organisation s’inquiète de l’ampleur des crimes économiques qui demeure une préoccupation majeure pour les acteurs engagés dans la lutte contre la corruption. 

 

Au cours de la seule année 2024, le Réseau a suivi un total de 131 dossiers judiciaires parmi lesquelles 27 nouveaux dont 17 introduits sur son initiative. Onze de ces dossiers suivis ont pu être jugés au premier semestre et neuf au second semestre, soit un total de 20 dossiers jugés en première instance pendant l’année écoulée.
Dans le cadre son action judiciaire contre la criminalité économique et la délinquance à col blanc, le REN-LAC s’est particulièrement illustré en tant que partie civile dans certaines affaires. C’est le cas de celle portant détournement de fonds au ministère de l’Action humanitaire, dite affaire Amidou Tiegnan.
Le verdict rendu en décembre 2024 par la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I a reconnu ce dernier et trois autres prévenus (Pétronille Tarpaga, Salifou Ouédraogo et Philippe Bayoulou) coupables des faits qui leur étaient reprochés. 
Le tribunal les a condamnés à des peines d’emprisonnement ferme allant de 6 à 15 ans et au payement d’amendes de l’ordre de centaines de millions pour certains, et de milliards pour d’autres. Par ailleurs, la Justice a ordonné la confiscation de tous leurs biens meubles et immeubles au profit de l’État, à concurrence des amendes et des condamnations civiles prononcées à leur encontre.
 
Au-delà du cas Tiegnan
 
Le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo, estime que ce procès « a été une occasion d’avoir une idée sur le niveau de dysfonctionnement de l’administration et la manière dont certains agents en profitent pour détourner l’argent public à des fins privées ». 
Les quatre prévenus ont admis avoir procédé à des imitations de signatures sur plusieurs chèques du Trésor public. Ce qui leur aura permis de détourner plus de trois milliards de francs CFA devant servir à la prise en charge des personnes vulnérables ou touchées par la crise sécuritaire qui affecte le Burkina Faso depuis 2015. Ils ont toutefois contesté les montants présentés par le Procureur du Faso, dénonçant des supérieurs hiérarchiques qui auraient aussi bénéficié des fonds dissipés. 
Pourtant lors du jugement, aucune des personnes citées, parmi lesquelles d’anciens ministres, n’ont comparu à la barre pour être entendues. Du côté du REN-LAC, on s'attend à ce que la suite de l’instruction, annoncée par le Procureur du Faso près le TGI Ouaga I, le 10 janvier dernier, permette de toucher à toutes les ramifications de l’affaire : « Au-delà de la condamnation de Monsieur Tiegnan et compagnie, le plus important est d’arriver à bien situer les responsabilités aux différents niveaux de la chaîne administrative ».
Pour Sagado Nacanabo, cette affaire met surtout en lumière les dysfonctionnements administratifs et l’insuffisance du contrôle qui « profitent aux corrompus et aux corrupteurs ». Le Secrétaire exécutif du REN-LAC appelle donc à un diagnostic sans complaisance des risques de corruption dans l’administration pour la prise de mesures adéquates, notamment l’adoption d’une loi portant protection des lanceurs d’alerte pour renforcer la détection des mauvaises pratiques et améliorer la gouvernance financière.
En plus de l’affaire Amidou Tiegnan, le REN-LAC a contribué à la manifestation de la vérité dans le procès Vincent Dabilgou, une affaire emblématique de corruption électorale, et dans quatre autres dossiers impliquant d’anciens maires de la ville de Bobo-Dioulasso dans des malversations foncières.
 
Dissuader d’éventuels délinquants et recouvrer les fonds détournés
 
Alors que le REN-LAC entend renforcer son action pour davantage apporter son concours à la réduction notable de la corruption au Burkina Faso, l’organisation espère que la tenue des différents procès dissuade d’éventuels délinquants et aide à recouvrer diligemment les biens publics spoliés. « Les procès ne constituent pas une fin en soi. Ils doivent plutôt contribuer à instruire les citoyens et à interpeler les pouvoirs publics sur la persistance du fléau dans tous les secteurs de la vie nationale. Si ces leçons ne changent pas le quotidien de l’administration publique dans le sens d’une meilleure gouvernance, on sera condamné dans un cercle vicieux », soutient le Secrétaire exécutif. 
Lui et son équipe restent persuadés que la lutte contre la corruption nécessite un espace civique empreint de liberté d’expression et de presse pour permettre la pleine participation des citoyens et des journalistes à la dénonciation des faits de corruption. 
« La dénonciation de la corruption aussi bien par la société civile, les médias que par les citoyens, constitue un moyen efficace de lutte contre le phénomène », ont-t-ils argumenté. Avant d’inviter le Gouvernement à garantir l’indépendance de la Justice afin de permettre « une sérénité dans le traitement des dossiers judiciaires », convaincus que la bonne administration de cette institution requiert la séparation des pouvoirs.

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