Baromètre incontournable de la gouvernance nationale, le rapport annuel sur l'état de la corruption au Burkina Faso fait ressortir les résultats d’une enquête d’opinion des populations urbaines et semi-urbaines burkinabè sur la gestion du service public. Il procède à l’analyse des actions de lutte anti-corruption des acteurs étatiques et non étatiques, en vue de formuler des recommandations pertinentes.
En 2023, compte tenu de la dégradation du climat sécuritaire, l’enquête d’opinion a couvert 12 chefs-lieux de régions, en plus de la ville de Pouytenga. La ville de Dori, chef-lieu de la région du Sahel, n’a pu être enquêtée.
La démarche méthodologique a combiné les méthodes quantitatives et qualitatives. Dans le but d’avoir des résultats transposables à l’ensemble de la population, la méthode des quotas marginaux a été utilisée, permettant de toucher 2 883 personnes sur 3000 prévues dont 49,9% de femmes. Par ailleurs, des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de certains enquêtés afin d’approfondir les analyses quantitatives et de capter les expériences de corruption vécues.
Les résultats de l’enquête montrent une baisse du niveau de la corruption, selon la perception citoyenne, après avoir connu une constante augmentation de 2016 à 2021. L’Indice synthétique de Perception de la Corruption (ISPC), calculé à partir de la perception des enquêtés sur la fréquence et l’évolution du phénomène, est passé de 71 points en 2021 à 40 en 2023 ; soit une baisse substantielle de 31 points. S’agissant des expériences de corruption vécues, 26,1% des enquêtés affirment avoir personnellement offert au moins une rétribution illégale à des agents publics en échange d’un service non soumis à paiement ; ce pourcentage est en baisse de 5,6 points par rapport à 2021. Également, 16,2% des enquêtés indiquent avoir été témoins directs d’actes de corruption lors de la fréquentation des services publics, contre 24,7% en 2021. Selon l’Indice composite de Mesure de la Corruption dans les Administrations publiques (ICMC-AP), qui établit désormais le classement des services les plus touchés par le phénomène, la Police municipale, la Douane et la Police nationale conservent, tout comme en 2021, leurs trois premières places avec des scores respectifs de 52,21, 37,17 et 24,03% contre 51,34, 37,34 et 31,77% il y a deux ans. L’ICMC-AP classe les services à la fois sur la base de la perception citoyenne, des expériences pratiques de corruption vécues par les usagers desdits services et des montants des rétributions illégales.
L’analyse des actions de lutte des acteurs étatiques contre le phénomène fait ressortir une absence d’actions d’envergure au sommet de l’État, en dépit du discours selon lequel l’anti- corruption est une priorité. L’Assemblée législative de la Transition (ALT), censée contrôler l’action gouvernementale, n’a pas exercé cette prérogative. En revanche, les Corps de Contrôle de l’État, particulièrement l’Autorité supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC), ont été actifs dans la lutte contre les crimes économiques. La Justice burkinabè a aussi été un maillon important dans la répression des infractions économiques et financières, malgré des actes attentatoires à son indépendance de la part du gouvernement tels que l’inexécution de certaines décisions.
Du côté des acteurs non étatiques, le REN-LAC a mené diverses activités dans le but de contribuer à la lutte contre la corruption et à la promotion de la bonne gouvernance. En plus du suivi de 133 dossiers judiciaires, il a mené 178 activités de sensibilisation et enregistré 729 plaintes et dénonciations de faits de corruption avec un taux de résolution d’environ 50%. Sans oublier la production d’évidences sur les manifestations de la corruption dans les services de la sécurité et du transport, ainsi que sur la corrélation entre la corruption et le genre. En dépit de la réduction progressive des espaces de libertés démocratiques, la presse burkinabè s’est, elle aussi, brillamment illustrée dans la dénonciation de la corruption et de la mal gouvernance, mettant au jour plusieurs affaires de détournements de deniers publics, de favoritisme et d’autres mauvaises pratiques.