Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) s’est prononcé, jeudi 1er février, contre l’accord transactionnel conclu entre l’État burkinabè et la société minière IAM Gold Essakane SA dans l’affaire dite charbon fin.
L’organisation estime que la procédure judiciaire aurait dû aller à terme pour faire la lumière sur cette affaire et tirer toutes les conséquences.
Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) n’est pas satisfait du dénouement de l’affaire charbon fin qui a connu son épilogue judiciaire le 25 janvier dernier au Tribunal de Grande instance (TGI) Ouaga I. L’organisation s’est prononcée sur le sujet ce jeudi 1er février.
Fin décembre 2023, l’État burkinabè a conclu un accord transactionnel avec la société IAM Gold Essakane SA, principale entreprise mise en cause dans cette affaire.
Celle-ci était poursuivie, avec d’autres personnes physiques et morales, pour « faux et usage de faux en écriture privée de commerce et exportation illégale de déchets dangereux, fraude en matière de commercialisation de l’or et autres substances précieuses, blanchiment de capitaux et complicité d’exportation de déchets dangereux, exonération et franchise illégale ».
Tirant conséquence de cet accord transactionnel conclu entre l’État burkinabè et l’entreprise minière, le Tribunal a déclaré l’action publique éteinte contre IAM Gold Essakane SA, Africa Global Logistics SA (ex Bolloré logistique SA) et les personnes physiques impliquées dans l’affaire.
Le juge a aussi déclaré non constituées les infractions de blanchiment de capitaux, d’exonération et de franchise illégale et renvoyé les prévenus des fins de poursuites.
Partie civile dans le dossier, le REN-LAC n’a pas manqué de souligner sa « déception » de cette décision du gouvernement qui a renoncé, de fait, à faire la lumière sur cette « sombre affaire ».
Selon le Secrétaire exécutif, Sagado Nacanabo, « Le jeu en valait pourtant la chandelle dans la mesure où ce procès était une occasion en or de mettre à nue non seulement les insuffisances textuelles exploitées par les sociétés minières pour siphonner nos ressources, mais aussi les mauvaises pratiques de l’administration publique. »
« Toutes ces personnes auraient alors compris qu’au Burkina Faso plus rien ne sera comme avant », ajoute-t-il.
Une occasion manquée de sonner la fin de l’impunité
Pour le REN-LAC, la tenue effective du procès à son terme n’empêchait pas non plus les différentes parties de conclure un accord transactionnel par la suite si elles le désiraient. Cependant, il aurait eu le mérite d’éclairer l’opinion sur le fond du dossier et de condamner les éventuelles coupables.
« Au début de cette affaire, les représentants de l’État à l’époque, tout comme la société Essakane elle-même, clamaient que tout était clean. Le ministre des Mines et des Carrières, M. Oumarou Idani, avait même tenté de disculper l’entreprise, lors d’un point de presse le 3 juin 2019 », rappelle Sagado Nacanabo.
D’après lui, « si l’État burkinabè a aujourd’hui pu bénéficier de la somme de 9 milliards dans l’accord transactionnel ainsi que des cargaisons de charbon fin saisies pour traitement, cela n’est guère du bon vouloir de la société Essakane, mais bien parce que des acteurs ont maintenu allumée la flamme de la veille citoyenne. »
À ces acteurs judiciaires, administratifs, OSC et journalistes qui « ont porté ce combat plus de cinq (05) années durant », Sagado Nacanabo a tenu à rendre hommage même si le règlement transactionnel que sa structure considère comme une mauvaise affaire n’a pas permis de faire la lumière dans ce dossier.
« Dans tous les cas, martèle-t-il, notre position de départ qui est qu’il y a eu fraude dans cette affaire se justifie par l’accord transactionnel »,
Sagado Nacanabo reste convaincu que l’aboutissement judiciaire du dossier « aurait été un message fort envoyé à la fois aux multinationales qui exploitent nos ressources minières et aux nationaux qui se permettent des libertés avec les ressources de l’État. C’était bien l’occasion de sonner le glas de l’impunité et faire comprendre que le Burkina Faso mérite respect. »
Poursuivre la veille citoyenne
Le REN-LAC ne trouve pas opportun de faire appel de la décision du juge déclarant l’action publique éteinte. En revanche, il appelle le pouvoir politique à joindre l’acte à la parole en ce qui concerne la lutte contre la corruption.
« En tout état de cause, nous comptons poursuivre nos actions de veille citoyenne pour une gouvernance vertueuse dans notre pays », prévient le Secrétaire exécutif.
Le Réseau estime, par ailleurs, que les autorités burkinabè doivent garantir à les tous les citoyens les conditions favorables à l’exercice de cette veille, en préservant notamment les libertés individuelles et collectives.